Partir c'est vivre, oui bien sûr, mais partir c'est aussi faire peser sur l'autre (qui reste) la masse des pensées sans réponses, comme en poste restante. Même à l'époque des communications internationales, des mails, skype, whatsapp. Il ne suffit plus de regarder son enfant là sous les yeux. Il faut l'imaginer. Sans trop s'inquiéter. Quand même un peu.
Celui ou celle qui s'en va, comme un enfant devenu grand, laisse un vide immédiat que les jours tentent de combler petit à petit. Des deux côtés. Je me souviens d'un voyage de trois mois au Japon, j'avais dix huit ans, et de ce qui avait changé à mon retour : ce n'était pas seulement moi, l'itinérant, mais aussi ma famille restée à Paris. Tout avait changé, adresse, fréquentations, premier cercle des amis. Je revenais en terra incognita depuis mon soleil levant, cette Asie qu'Henri Michaux décrivait si bien comme une terre où l'occidental est "barbare". A force d'avoir été différent, étranger (on dit gaïgin en japonais), et de voir des mondes nouveaux à Tokyo, je ne m'étonnais plus de voir que les états des choses avaient changé. Toutes.
Il est fort possible que des changements voient leur partition accélérer, se jouer plus vite, à l'occasion d'un long voyage, d'un éloignement. C'est le sens de la période qui se trouve être d'une même accélération pour qui part et qui reste. Quand ça change, tout change.
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