Chaque soir le même rituel, embarquer sans ailes, voiles opaques d'une désolation qui me porte en surface. Je ne suis qu'un navire en vue d'un anneau, comme si dans le couple entre océans et terres il n'y avait qu'une sorte de route râpeuse, au goût âpre des sels qui tiennent éveillés. Ceux qui raniment aussi, ceux qui stoppent l'évanouie de la cour entre jardins. Des jardins de mers, des polders de sentiments, gagnant sur l'eau et donnant à vivre aux personnes bien assises. Quelle chance pour eux.
Je voudrais gagner la rive, m'établir en paysan, sortir la tête de l'eau et gagner, enfin, celle qui arrive. Je ne peux plus voir mon navire, je guette enfin son naufrage pour une sirène, sans m'attacher au mât tel Ulysse, libre de plonger, rejoignant l'ancre bleue de mes mémoires, au pluriel car j'en ai trop, En être allégé je dirais mille choses jolies, trouvant les images dans chaque jour de saison. En attendant le temps file, me laissant veuf de tout. Un marin sans rien, vêtu de désirs qui ne se voient pas. En horizon : le rêve, seul.
Lever l'encre, jouer des voiles pour capter le moindre espoir. L'encre n'est pas bleue, elle est rouille, et lourde d'acier trempé. La relève ne vient pas et pour cause, personne ne sait que je suis ici, latitude longitude, pas de radio. La page blanche est écume, le mouvement qui m'agite est vague, rien n'est précis. Noir sur blanc n'existe qu'en journal de bord, la réalité est doublement grise, ciel et mer, et les dauphins que je vois parfois ne sont là que pour m'aiguiller. Sans talon. Et quand bien même. Rien ne dit que mes oublis ne portent pas que sur cela.
Et pourtant je donnerais tout pour lever la chaîne, pour barrer à tribord et joindre la côte. Il me semble l'apercevoir. Dans un désert.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.